Ce n'est qu'un début, Un film de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier
Et si parfois l’école pouvait apprendre à réfléchir.
Dans Ce n’est qu’un début, les documentaristes Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier filment l’expérience originale tentée par les élèves d’une classe de maternelle : faire de la “philo”. Questionner, pour la première fois, le monde dans lequel ils vivent.
On pense connaître à l’avance les ingrédients de cet énième documentaire sur l’école : des gamins plus mignons les uns que les autres et une avalanche de perles liées à leurs premiers pas avec le langage. De ce coté, on n’est pas déçu. L’école Jacques Prévert de Le Mée-sur-Seine (77) étant classée Zep, on aperçoit des bouilles de toutes les couleurs. Azouaou, Abderhamène, Louise, Shana, Kyria ou Yanis représentent cette France arc-en-ciel, forcément attendrissante. Une belle mixité ethnique, donc, à défaut de mixité sociale.
De même, le film est ponctué de petites phrases naïves, de défauts de prononciation ou de lapsus qui font forcément rire les plus grands. Florilège : une élève raconte que son père peut se reposer pendant ses “jours de congelés” ; un autre ne comprend pas pourquoi on dit d’une personne morte qu’elle est “DVD” ; on apprend aussi qu’on devient rouge quand on est amoureux “parce qu’on a un cœur dans le ventre” ; maman est plus intelligente parce qu’elle “met jamais le Nutella dans le Frigo”. Etc. Cet inventaire à la Prévert pourrait s’allonger longuement.
Ce qui fait pourtant la force de ce film, c’est qu’il nous transporte bien au-delà de ces petites phrases. Ici, les enfants ne sont pas simplement mignons et attendrissants. Ils pensent, parlent, s’écoutent. Avec eux, en même temps qu’eux, nous réfléchissons.
“Je connais un gens qui est pauvre, il mange les restes qui sont à la poubelle”. “Moi, je veux savoir un truc… Les pauvres, comment ils ont fait pour être pauvres ?” Et ces pauvres que l’on croise dans la rue, faut-il les aider ? Les avis divergent. Certains enfants estiment qu’aider les plus pauvres, en leur achetant un sandwich par exemple, leur ouvrira les portes du paradis. D’autres ne comprennent pas pourquoi leurs parents font semblant d’ignorer ces personnes. Celui qui pense que les pauvres n’ont pas à être secourus est qualifié de “méchant” par ses petits camarades. Une certaine conscience sociale existe déjà chez ces enfants. Lorsque la maîtresse demande à l’un d’entre eux : “Et toi, tu es riche ou tu es pauvre ?”, l’hésitation n’est pas longue avant qu’il ne réponde, gêné, “Moi ? Pauvre”. Pauvres, en France certes, mais pas “au bled”. L'Algérie pour les uns, le Sénégal pour les autres. Ainsi, une élève n’a pas apprécié d’entendre que les africains étaient pauvres et marchaient nus dans la rue. Elle souhaite rétablir la vérité : dans sa villa au Sénégal, elle est riche : elle a des vêtements. “Et même des bonnes...”.
“J’aime pas trop le noir, j'aime bien être blanche.” Étonnant d’entendre cette sentence prononcée par une petite fille d’origine asiatique. Un petit garçon métisse nous déstabilise davantage lorsqu’il affirme qu’il aimerait “bien être blanc et pas noir”. La question de la différence entre les sexes, entre les couleurs de peau ou avec les personnes handicapées inspire de belles réflexions à ces enfants. Les larmes nous montent aux yeux lorsque la fille d’un handicapé explique en quoi elle est à la fois différente et similaire à son père. “Mon père il peut pas marcher comme moi, mais il peut bouger comme moi”, “Mon père je l’aime comme il est, il m’aime comme je suis”.
On parle beaucoup d’amour pendant ces ateliers. A l’exception d’un garçon, toute la classe n’a qu’une envie : se marier. En revanche, pas question de déroger au “code de l’amour”, au moins aussi contraignant que le code de la route : “une fille ça peut pas être amoureuse d’une autre fille” ! Quand même!
“Moi, je dis que la liberté, c’est quand on peut être un petit peu seul, respirer un petit peu et être gentil”. De belles idées sont échangées sur la liberté. Sont libres les enfants qui sortent du ventre de leur mère (c’est parce qu’ils ne sont pas libres qu’ils donnent des coups de pieds), ceux qui sortent de prison, ceux qui peuvent grimper par dessus les grilles de l’école, ceux qui ne font pas la poussière dans leur chambre, ceux qui ont des jours de congés. Finalement, être libre “c’est quand on va tout seul dehors”.
“Je connais un gens qui est pauvre, il mange les restes qui sont à la poubelle”. “Moi, je veux savoir un truc… Les pauvres, comment ils ont fait pour être pauvres ?” Et ces pauvres que l’on croise dans la rue, faut-il les aider ? Les avis divergent. Certains enfants estiment qu’aider les plus pauvres, en leur achetant un sandwich par exemple, leur ouvrira les portes du paradis. D’autres ne comprennent pas pourquoi leurs parents font semblant d’ignorer ces personnes. Celui qui pense que les pauvres n’ont pas à être secourus est qualifié de “méchant” par ses petits camarades. Une certaine conscience sociale existe déjà chez ces enfants. Lorsque la maîtresse demande à l’un d’entre eux : “Et toi, tu es riche ou tu es pauvre ?”, l’hésitation n’est pas longue avant qu’il ne réponde, gêné, “Moi ? Pauvre”. Pauvres, en France certes, mais pas “au bled”. L'Algérie pour les uns, le Sénégal pour les autres. Ainsi, une élève n’a pas apprécié d’entendre que les africains étaient pauvres et marchaient nus dans la rue. Elle souhaite rétablir la vérité : dans sa villa au Sénégal, elle est riche : elle a des vêtements. “Et même des bonnes...”.
“J’aime pas trop le noir, j'aime bien être blanche.” Étonnant d’entendre cette sentence prononcée par une petite fille d’origine asiatique. Un petit garçon métisse nous déstabilise davantage lorsqu’il affirme qu’il aimerait “bien être blanc et pas noir”. La question de la différence entre les sexes, entre les couleurs de peau ou avec les personnes handicapées inspire de belles réflexions à ces enfants. Les larmes nous montent aux yeux lorsque la fille d’un handicapé explique en quoi elle est à la fois différente et similaire à son père. “Mon père il peut pas marcher comme moi, mais il peut bouger comme moi”, “Mon père je l’aime comme il est, il m’aime comme je suis”.
On parle beaucoup d’amour pendant ces ateliers. A l’exception d’un garçon, toute la classe n’a qu’une envie : se marier. En revanche, pas question de déroger au “code de l’amour”, au moins aussi contraignant que le code de la route : “une fille ça peut pas être amoureuse d’une autre fille” ! Quand même!
“Moi, je dis que la liberté, c’est quand on peut être un petit peu seul, respirer un petit peu et être gentil”. De belles idées sont échangées sur la liberté. Sont libres les enfants qui sortent du ventre de leur mère (c’est parce qu’ils ne sont pas libres qu’ils donnent des coups de pieds), ceux qui sortent de prison, ceux qui peuvent grimper par dessus les grilles de l’école, ceux qui ne font pas la poussière dans leur chambre, ceux qui ont des jours de congés. Finalement, être libre “c’est quand on va tout seul dehors”.
Entre deux ateliers philosophiques, les réalisateurs filment Le Mée-sur-Seine. Plusieurs plans fixes dépeignent l’atmosphère de cette banlieue parisienne, à la fois déserte et morte. On retient quelques images énigmatiques, telles que ce mur taggué “Jocelyne je taime” ou ce long plan fixe sur la gare du Mée-sur-Seine. Accompagnées par une bande-son envoûtante, signée Anouar Brahem, ces scènes font de Ce n’est qu’un début un documentaire aussi beau que passionnant.
“-Vous pensez que les adultes sont plus intelligents que les enfants ?
-Ben non parce que ils disent : « tu sais rien, tu sais rien, tu sais rien ». On sait des choses, quand même !”