Service clientèle, un livre de Benoît Duteurtre publié en 2003.
« Entrez dans un monde absolument moderne ». Ceci n’est pas un poème d’Arthur Rimbaud, mais le slogan de la Cogeca, entreprise de télécommunication privatisée depuis peu. C’est justement ce monde « absolument moderne » dans lequel il se débat que Benoît Duteurtre va questionner dans ce livre.
Pour l’auteur, la modernité n’est plus ce qu’elle était. Dans sa jeunesse, être moderne c’était faire un bras d’honneur à la société traditionnelle. Être moderne, c’était remettre en questions les autorités morales telles que la famille, le travail ou la religion. Le moderne rimbaldien se révoltait contre l’ordre établi et rêvait d’un monde meilleur. Aujourd’hui, être moderne, c’est être capable de se débrouiller dans ce monde et d’en accepter les principes. Le mot a changé de sens et il est aujourd’hui largement façonné par les techniques de commercialisation des grandes entreprises. La Citroen Picasso étant un exemple de cette récupération de la critique artiste par les grandes entreprises.
Aujourd’hui être moderne c’est par exemple accepter que l’entreprise recherche le profit maximum et diminuant au minimum les couts et les effectifs. Le loisir bon marché est à ce prix.
Ainsi, l’homme moderne devra forcément appeler un jour le service clientèle d’une entreprise dont il est un « client privilégié ». Il devra se débrouiller avec un conseiller téléphonique pour régler un problème de carte bancaire, de perte de téléphone ou de mot de passe oublié. Dans la majorité des cas, il n’aura pas la réponse à sa question et n’arrivera pas à parler à un supérieur hiérarchique. Les situations kafkaïennes de ce nouveau type de rapports sociaux sont décrites de manière agréable.
Ce livre n’est évidement pas un brulot contre la modernité. L’auteur adopte plutôt un regard amusé sur ce que notre époque appelle modernité. Face aux progrès évidents en terme de santé, de loisirs ou d’accès à la culture, l’auteur note quelques situations absurdes qui passent d’ordinaire inaperçues : les curés utilisent des ordinateurs, les amish des jeux-vidéos ; le café est servi dans des distributeurs automatiques ; chacun d’entre nous connait un nombre important de codes chiffrés et de mots de passe… Quelle découverte !
Service clientèle est un roman bref. Vite lu, vite oublié. Un style très simple, pas particulièrement désagréable – ni très agréable, d’un honnête homme qui raconte une histoire qui le dépasse. Le passage qui me semble le plus intéressant est celui ou l’auteur remarque que la bureaucratie et les files d’attente, qui ont tuées le système communiste, sont l’ordinaire des sociétés capitalistes. A l’inverse, à la fin du livre on peut lire un passage désagréable sur les « racailles » qui sont naturellement des « beurs », et on ne sait trop ce qu’ils viennent faire dans cette histoire.