Emile Zola - Proudhon et Courbet

Gustave Courbet. Pierre-Joseph Proudhon et ses enfants en 1853 (1865-1867) Paris, Musée du Petit Palais


Emile Zola - Proudhon et Courbet, dans Mes Haines, Causeries littéraires et artistiques (1865-1868)

En 1865, Du principe de l'art et de sa destination sociale de Pierre-Joseph Proudhon est publié à titre posthume. Dans cet ouvrage, le philosophe français énonce ses positions sur l'art et les artistes. Dans la société idéale qu'il appelle de ses voeux, l'artiste a une fonction sociale : montrer la voie vers le progrès et vers le bonheur humain. Tant que cette société idéale n'est pas atteinte, Proudhon juge l'art exclusivement à travers le prisme politique. Les artistes dignes de ce nom sont ceux qui délivrent un message social ou politique à travers leurs œuvres. Or, selon Proudhon, Gustave Courbet est emblématique de ce type de peintres méritant le qualificatif d'artistes. Chacun de ses tableaux délivrerait un message politique, social ou religieux, ce qui attesterait le talent du peintre.
Le jeune Émile Zola, âge d'à peine vingt-cinq ans lorsqu'il rédige cet article, critique vivement cette vision réaliste de l'art et des artistes. Sa réponse n'est pas dénuée d'orgueil et de mépris envers le commun des mortels - qui n'a pas la chance d'avoir le génie artistique, quasiment un don divin. Pourtant, elle permet une réflexion féconde sur ce qui fait la spécificité de l'art et des artistes. Selon lui, l'artiste n'a pas pour fonction de délivrer un quelconque message politique, social ou religieux. Le spectateur qui juge un peintre en se focalisant  uniquement sur le sujet d'un tableau, sur les idées sous-sous-jacentes à l'œuvre, commet une erreur de jugement. 


Voici quelques passages qui me semblent importants :

"Je voudrais être juste, ne pas me laisser tenter par une raillerie vraiment trop aisée. J'accorde que certaines toiles du peintre peuvent paraître avoir des intentions satiriques. L'artiste peint les scènes ordinaires de la vie, et, par là même, il nous fait, si l'on veut, songer à nous et à notre époque. Ce n'est là qu'un simple résultat de son talent qui se trouve porté à chercher et à rendre la vérité. Mais faire consister tout son mérite dans ce seul fait qu'il a traité des sujets contemporains, c'est donner une étrange idée de l'art aux jeunes artistes que l'on veut élever pour le bonheur du genre humain."
"Franchement, il entasserait tableau sur tableau, vous empliriez le monde de ses toiles et des toiles de ses élèves, l'humanité serait tout aussi vicieuse dans dix ans qu'aujourd'hui. Mille années de peinture, de peinture faite dans votre goût, ne vaudraient pas une de ces pensées que la plume écrit nettement et que l'intelligence retient à jamais, telles que : "Connais-toi toi-même", "Aimez-vous les uns les autres", etc. Comment ! vous avez l'écriture, vous avez la parole, vous pouvez dire tout ce que vous voulez, et vous allez vous adresser à l'art des lignes et des couleurs pour enseigner et instruire. Eh ! par pitié, rappelez-vous que nous ne sommes pas tout raison. Si vous êtes pratique, laissez au philosophe le droit de nous donner des leçons, laissez au peintre le droit de nous donner des émotions. Je ne crois pas que vous deviez exiger de l'artiste qu'il enseigne, et, en tout cas, je nie formellement l'action d'un tableau sur les moeurs de la foule."
"Proudhon a vu comme moi les tableaux dont je parle, mais il les a vus autrement, en dehors de toute facture, au point de vue de la pure pensée. Une toile, pour lui, est un sujet ; peignez-la en rouge ou en vert, que lui importe ! Il le dit lui-même, il ne s'entend en rien à la peinture, et raisonne tranquillement sur les idées. Il commente, il force le tableau à signifier quelque chose ; de la forme, pas un mot."
"Les droits d'un commentateur sont larges, je le sais, et il est permis à tout esprit de dire ce qu'il sent à la vue d'une oeuvre d'art. Il y a même des observations fortes et justes dans ce que pense Proudhon mis en face des tableaux de Courbet. Seulement, il reste philosophe, il ne veut pas sentir en artiste. Je le répète, le sujet seul l'occupe ; il le discute, il le caresse, il s'extasie et il se révolte. Absolument parlant, je ne vois pas de mal à cela ; mais les admirations, les commentaires de Proudhon deviennent dangereux, lorsqu'il les résume en règle et veut en faire les lois de l'art qu'il rêve. Il ne voit pas que Courbet existe par lui-même, et non par les sujets qu'il a choisis : l'artiste aurait peint du même pinceau des Romains ou des Grecs, des Jupiters ou des Vénus, qu'il serait tout aussi haut. L'objet ou la personne à peindre sont les prétextes ; le génie consiste à rendre cet objet ou cette personne dans un sens nouveau, plus vrai ou plus grand. Quant à moi, ce n'est pas l'arbre, le visage, la scène qu'on me représente qui me touchent : c'est l'homme que je trouve dans l'oeuvre, c'est l'individualité puissante qui a su créer, à côté du monde de Dieu, un monde personnel que mes yeux ne pourront plus oublier et qu'ils reconnaîtront partout."
"Je sens que Proudhon voudrait me tirer à lui et que je voudrais le tirer à moi. Nous ne sommes pas du même monde, nous blasphémons l'un pour l'autre. Il désire faire de moi un citoyen, je désire faire de lui un artiste. Là est tout le débat. Son art rationnel, son réalisme à lui, n'est à vrai dire qu'une négation de l'art, une plate illustration de lieux communs philosophiques. Mon art, à moi, au contraire, est une négation de la société, une affirmation de l'individu, en dehors de toutes règles et de toutes nécessités sociales. Je comprends combien je l'embarrasse, si je ne veux pas prendre un emploi dans sa cité humanitaire : je me mets à part, je me grandis au-dessus des autres, je dédaigne sa justice et ses lois. En agissant ainsi, je sais que mon coeur a raison, que j'obéis à ma nature, et je crois que mon oeuvre sera belle. Une seule crainte me reste : je consens à être inutile, mais je ne voudrais pas être nuisible à mes frères. Lorsque je m'interroge, je vois que ce sont eux, au contraire, qui me remercient, et que je les console souvent des duretés des philosophes. Désormais, je dormirai tranquille.
Proudhon nous reproche à nous romanciers et poètes, de vivre isolés et indifférents, ne nous inquiétant pas du progrès. Je ferai observer à Proudhon que nos pensées sont absolues, tandis que les siennes ne peuvent être que relatives. Il travaille, en homme pratique, au bien-être de l'humanité ; il ne tente pas la perfection, il cherche le meilleur état possible, et fait ensuite tous ses efforts pour améliorer cet état peu à peu. Nous, au contraire, nous montons d'un bond à la perfection ; dans notre rêve, nous atteignons l'état idéal. Dès lors, on comprend le peu de souci que nous prenons de la terre. Nous sommes en plein ciel et nous ne descendons pas. C'est ce qui explique pourquoi tous les misérables de ce monde nous tendent les bras et se jettent à nous, s'écartant des moralistes.
Je n'ai que faire de résumer le livre de Proudhon : il est l'oeuvre d'un homme profondément incompétent et qui, sous prétexte de juger l'art au point de vue de sa destinée sociale, l'accable de ses rancunes d'homme positif ; il dit ne vouloir parler que de l'idée pure, et son silence sur tout le reste - sur l'art lui-même - est tellement dédaigneux, sa haine de la personnalité est tellement grande, qu'il aurait mieux fait de prendre pour titre : De la mort de l'art et de son inutilité sociale."


  

Une année de cinéma (2010)

Mes films préférés, sans ordre de préférence :

Biutiful 
Réalisé par Alejandro González Inárritu
Avec Javier Bardem, Maricel Álvarez, Eduard Fernàndez

Dans ses yeux (El Secreto de Sus Ojos)
Réalisé par Juan José Campanella
Avec Soledad Villamil, Ricardo Darin, Pablo Rago
Entre nos mains
Réalisé par Mariana Otero


Mammuth
Réalisé par Gustave Kervern, Benoît Delépine
Avec Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Anna Mouglalis
Mardi, après Noël (Marti, Dupa Craciun) Réalisé par Radu Muntean
Avec Mimi Branescu, Mirela Oprisor, Maria Popistasu
Mother
Réalisé par Joon-ho Bong
Avec Kim Hye-Ja, Won Bin, Jin Ku
Shutter Island
Réalisé par Martin Scorsese
Avec Leonardo DiCaprio, Mark Ruffalo, Ben Kingsley
The social network
Réalisé par David Fincher
Avec Jesse Eisenberg, Justin Timberlake, Andrew Garfield
La tisseuse (Fang Zhi Gu Niang) Réalisé par Wang Quan'an
Avec Yu Nan, Cheng Zhengwu, Zhao Luhan
Tournée
Réalisé par Mathieu Amalric
Avec Miranda Colclasure, Suzanne Ramsey, Linda Maracini

  Une éducation (An Education)
Réalisé par Lone Scherfig
Avec Peter Sarsgaard, Carey Mulligan, Alfred Molina, plus
Vénus noire
Réalisé par Abdellatif Kechiche
Avec Yahima Torres, André Jacobs, Olivier Gourmet

Ca' Pesaro - Galleria d'Arte Moderna (Venise) (21 décembre 2010)



Ca' Pesaro - Galleria d'Arte Moderna (Venise)













Luigi Nono, Abandoned (1903), Oil on canvas , cm. 97 x 136
Venice, Ca' Pesaro - International Gallery of Modern Art

Telemaco Signorini, The Room of the Disturbed at S. Bonifacio in Florence (1865) Oil on canvas, cm. 65 x 59
Venice, Ca’ Pesaro - International Gallery of Modern Art

Angelo Morbelli, Il Natale dei rimasti (Christmas for Those who are Left), 1903, 61 x 110 cm, Galleria Internazionale d’Arte, Moderna di Ca’Pesaro

Emilio Vedova, Europe (1950), Oil on canvas , cm. 123 x 126
Venice, Ca' Pesaro - International Gallery of Modern Art

Max Ernst, The Weatherman (1951), Oil on hardboard , cm. 92 x 62
Venice, Ca' Pesaro - International Gallery of Modern Art

Ottone Rosai, Promenade (1937), Oil on wood panel , cm. 70 x 50
Venice, Ca' Pesaro - International Gallery of Modern Art

Alessandro Milesi, Antonio Fradeletto (1930), Oil on canvas , cm. 130 x 171
Venice, Ca' Pesaro - International Gallery of Modern Art

Marc Chagall, The Rabbi of Vitebsk (1914 - 1922) Oil on canvas , cm. 104 x 84
Venice, Ca' Pesaro - International Gallery of Modern Art

Pierre Bonnard, Nude in the Mirror (1931), Oil on canvas , cm. 152 x 102
Venice, Ca' Pesaro - International Gallery of Modern Art

Wassily Kandinsky, White Zig Zags (1922), Oil on canvas, cm. 95 x 125
Venice, Ca’ Pesaro - International Gallery of Modern Art

Basquiat (19 décembre 2010)



Basquiat, Exposition au musée d'art moderne de la ville de Paris (15 octobre 2010 - 30 janvier 2011)
















Untitled, 1981 Acrylique et pastel gras sur toile, 207 x 176 cm
The Eli and Edythe L. Broad Collection, Los Angeles

Per Capita, 1981 Acrylique et pastel gras sur toile, 203 x 381 cm
Courtesy The Brant Foundation, USA

Acrylique et pastel gras sur panneau de bois, 182,9 x 119,4 x 1,9 cm
Collection particulière

Untitled (Two Heads on Gold), 1982 Acrylique et pastel gras sur toile, 203 x 317,5 cm
Collection Laurence Graff

Untitled (Sugar Ray Robinson), 1982 Acrylique et pastel gras sur toile, 106,5 x 105,5 x 11,5 cm
Collection particulière, courtesy The Brant Foundation, USA

Cassius Clay, 1982 Acrylique et pastel gras sur toile, 106,7 x 104,1 cm
Collection Bischofberger, Suisse

Dustheads, 1982 Acrylique et pastel gras sur toile, 183 x 211 cm
Collection Tiqui Atencio

Hollywood Africans, 1983 Acrylique et pastel gras sur toile, 213,4 x 213,4 cm
Whitney Museum of American Art, New York

Undiscovered genius of the Mississippi Delta, 1983 Acrylique, pastel gras, collage de papier sur toile, cinq panneaux, 121,9 x 203 cm Courtesy The Brant Foundation, USA

In Italian, 1983 Acrylique, pastel gras et collage de papier sur toile, deux panneaux, 225 x 203 cm
Courtesy The Brant Foundation, USA

Light Blue Movers, 1987 Acrylique et pastel gras sur toile, 274 x 285 cm
Collection particulière, Martigny, Suisse

Photo / Femmes / Féminisme (16 décembre 2010)




Photo / Femmes / Féminisme, 1860-2010 Collection de la bibliothèque Marguerite Durand ; Exposition à la Gallerie des bibliothèques (19 novembre 2010 - 13 mars 2011)















Affiche de Clémentine-Hélène Dufau pour le lancement du journal "La Fronde" en 1897. La Fronde est un quotidien politique et littéraire, administré, rédigé et composé exclusivement par des femmes (1897 -1905)

Anonyme. Manifestation pour le droit de vote des femmes, en l'honneur de Condorcet, Paris, 5 juillet 1914. Paris, Bibliothèque Marguerite Durand

Le Petit Journal. Les "suffragettes" envahissent une section de vote et s'emparent de l'urne. 17 mai 1908

Affiche du Congrès international pour le Suffrage des femmes, Budapest, 1913

Anonyme. Cléo de Mérode en tenue de ville, 1893. Cléo de Mérode était une danseuse française du corps de Ballet de l'Opéra de Paris. Paris, Bibliothèque Marguerite Durand

Janine Niépce. Colette (1873-1954), à son domicile au Palais Royal. Paris, 1953. Reconnue pour son talent, elle est la première femme à recevoir l'honneur d'obsèques nationales. Paris, Bibliothèque Marguerite Durand

Sabine Weiss. Homme dans le brouillard, à Paris. 1950. Paris, Bibliothèque Marguerite Durand

Sabine Weiss. Clochard sur les bords de Seine. 1949. Paris, Bibliothèque Marguerite Durand

Edith Gerin. Le passant de la première heure. Paris, vers 1950.  Paris, Bibliothèque Marguerite Durand

Janine Niépce. Les provençales. Paris, Bibliothèque Marguerite Durand

Janine Niépce. Les allocations familiales, Paris, 1957. Paris, Bibliothèque Marguerite Durand

Janine Niépce. Une métallurgiste. Paris, Bibliothèque Marguerite Durand

Germaine Krull. Marchande des quatre saisons. Paris. Paris, Bibliothèque Marguerite Durand


Janine Niépce. Pour l'égalité des salaires. Paris, Bibliothèque Marguerite Durand

L'Aurore, jeudi 27 août 1970. Une gerbe pour la femme du soldat inconnu.